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18 mois se sont écoulés depuis cette phrase triomphale : " Et une semaine plus tard je traverse seule et en plein jour la place centrale de Montpellier, ."

Il convient d'expliciter un peu cette soudaine bravoure !

En fait, et à ma grande surprise, depuis ce jour de novembre 2003 où je m'étais soudain décillée, tout allait très -trop - vite. Avec N., ma compagne, j'avais effectué quelques emplettes de base : jupe, pull, collant, bottines, ce que j'avais naturellement déjà pratiqué de nombreuses fois dans le passé, et qui s'était en général soldé par une période de "purge". Cette fois je me mis en tête d'acquérir une perruque, accessoire indispensable du fait de ma calvitie avancée pour donner l'illusion, à moi-même comme aux autres, d'une silhouette féminine. Il me fallut rassembler tout mon courage pour oser entrer dans le magasin de postiches et demander une perruque de femme.

 

Peu de temps après, je m'enhardis à consulter deux ou trois instituts de beauté, et me retrouvai un beau matin à me faire épiler jambes, dos et poitrine, ce qui ne me serait jamais venu à l'idée quelques semaines auparavant. La réaction de N. fut évidemment assez choquée dans un premier temps.

Plus incongru encore : il m'apparaissait soudain indispensable, voire vital, de porter bas ou collant et soutien-gorge chaque jour, alors que toute excitation liée au port de vêtements féminins avait soudainement et définitivement cessé.

Tant et si bien qu'après en avoir longuement débattu avec mon amie Sophie, ma première rencontre transgenre, je décidai de consulter un(e) psychothérapeute, avec deux questions à la clé :

1. Jusqu'où va ce désir de féminité en moi, quelles sont la part d'identité profonde et la part d'autosuggestion ?

2. Comment vivre cette période de bouleversement dans notre couple ?

Conseillée par un ami, je téléphonai à F., une gestaltiste réputée, et lui demandai si elle avait déjà traité des problèmes de dysphorie de genre. A mon grand étonnement elle ne connaissait pas le terme, et lorsque je lui expliquai en deux mots me rétorqua qu'il s'agissait d'un problème lié à l'imaginaire ! Furieuse qu'on ne me prenne pas plus au sérieux, mais décidée à tenter l'expérience puisque la première entrevue était gratuite, je décidai sur le champ de me rendre au rendez-vous habillée en femme, grommelant intérieurement : " tu vas voir si c'est de l'imaginaire !!!"

 

Et c'est ainsi que je  me jetai à l'eau, ainsi que je l'écrivis le soir-même à Sophie, mon amie et confidente :

 

" Bon, place aux exploits du jour ! Après ma réunion de chantier, je me suis garée sur un coin désert d'une zone commerçante que je connais bien pour me changer et pomponner. Pas très commode dans la voiture, mais hop, exit le mec, notre petite Camille a fait ses premiers pas dans les magasins (ben oui, j'étais tout près :o)) Et évidemment, j'ai craqué pour de jolis escarpins bordeaux avec une fine bride par devant, super ! Mais il était presque l'heure du rendez-vous, donc voiture jusqu'au centre ville, parking habituel sous la galerie marchande, et un immense bain de foule, comme toujours sur la place de la Comédie, sauf que pour la première fois de jour j'étais habillée en fille. Tu me croiras ? Même pas eu vraiment peur, et pourtant j'ai croisé des centaines de personnes ;-))

En plus il y avait un vent à arracher les perruques. Heureusement ça a tenu, t'imagine la honte, la Camille courant à moitié chauve derrière sa perruque au milieu de la foule ? C'est ça, rigole !

Bon, du coup je suis arrivée toute décoiffée chez la psy. Mais prévoyante, j'avais ma brosse dans mon sac, et une vitrine secourable m'a permis de reprendre figure humaine.

Ah oui j'oubliais : sur le trajet (1 km environ), j'ai été interpellée 3 fois (1 homme et 2 femmes) par des sondeurs d'opinion, qui tous les 3 m'ont dit madame ;-))) J'étais aux anges !

Bon, je sonne chez la psy, je monte l'escalier puisqu'il n'y avait pas de porte au rez-de-chaussée et j'entends une porte au premier s'ouvrir. Une petite dame aux cheveux gris, qui raccroche son téléphone et me tend la main. J'enlève mes gants pour la saluer (je suis polie, propre sur moi, et je n'avais quand même pas pu prendre le temps de me faire les ongles hélas. Et puis les gants ça cache un peu mes battoirs de forgeronne), elle me fait entrer et asseoir sur un canapé, s'en va consulter son agenda l'air troublée, revient et me dit : « Vous êtes Monsieur B. ? »

Ce à quoi je lui réponds : « Ca ne se voit pas ? »

Et donc après cette joyeuse entrée en matière, elle m'avoue m'avoir au premier coup d'oeil prise pour une femme, YOUPI (ça c'est moi qui rajoute) :o))))

Et donc on a papoté, elle m'a demandé si j'avais un prénom de fille, si elle pouvait m'appeler par ce nom (ben voyons, te gêne pas cocotte, j'aime)  m'a fait me raconter un peu, m'a félicité de mon courage (n'en jetez plus je me trémousse de contentement) et finit par me dire que ma thérapie, je l'ai déjà faite !!!

Bon, je me suis pas levée en disant au revoir madame et merci, mais presque. Elle m'a demandé ce que j'attendais d'elle, j'y ai esspliqué le coup de l'autosuggestion et tutti quanti, le problème ici avec N. et le voisinage. Et bon, un accompagnement pour m'aider à y voir clair lui semble logique (ah bon, quand même !), avec elle ou des collègues peu importe. Pour elle, il n'y a aucun doute, je suis une fille (merci docteur :o))), reste à déterminer le degré de gravité !

Bon je déconne un peu, mais c'est presque ça. Donc je suis sortie guillerette, mais guère plus avancée. Normal, tu ne voulais pas tout savoir en une séance ? Je me donne un petit délai de réflexion, et je vois si je commence vraiment un travail avec elle. En tous cas, elle m'inspire confiance et sympathie. A suivre.

Dans la rue, je croise deux jeunes mecs dont l'un dit "tiens, un trav". Retour sur terre ! Heureusement, un peu plus loin, une autre sondeuse d'opinion me jette un Madame si réconfortant que je m'arrête et réponds à ses questions, en chuchotant pour ne point me trahir. Hélas, à la 5è (quel âge avez-vous ?), c'est indiscret lui dis-je mais je ne mens pas. Et du coup elle me vire. Trop vieille ! Je suis scandalisée ;o))) Pourtant j'avais le profil, elles se sont toutes jetées sur moi. Moralité : je suis très féminine pour un trav et je ne fais pas mon âge :o)))

Et comme j'étais lancée, je suis allée faire deux ou trois magasins dans le centre, quelle sensation que de se balader librement dans les rayons féminins, sans malaise ! Puis retour à la zone commerciale, évidemment je ne pouvais pas repartir sans un tour à mon magasin préféré. ;)

J'ai fait 2-3 essais, et sélectionné ma première nuisette (ivoire, mignonne) et un soutien-gorge. A la caisse, même caissière que l'autre jour. Elle n'arrivait pas à défaire l'antivol du soutien-gorge, ça commençait à durer et quelques personnes rigolaient. Du coup elle me demande si c'était le seul dans cette taille, donc je retourne dans le rayon ouf  j'en prends un autre, elle me demande si j'ai de la monnaie et se ravise en me disant non ça ira Monsieur. GONGGGGG ! Bien eue la Camille qui faisait la maline.

M'en fous, j'y retournerai quand même, en fille et en garçon ;-))

Eh, copine, j'espère que je t'épate : tu te souviens il y a 3 semaines j'étais encore dans les limbes. Blague à part, je suis vraiment ravie d'avoir franchi le pas, même s'il reste beaucoup beaucoup à faire.

Allez, au lit, c'est l'heure de bonne nuit les petites, je suis lessivée !!!

Bisous tout plein ma Sophie, c'est super la vie

 

Camille la fille"

 

 

Cette période d'euphorie fut merveilleuse, mais de courte durée : j'eus assez vite le curieux sentiment de ne pas être dans le vrai, de revêtir des artifices pour "jouer la femme", et finalement de me trouver en porte à faux, caricature. Quoi, ces vêtements féminins que j'avais rêvé toute ma vie de porter librement (tout en étant persuadée que cela me serait définitivement inaccessible), non seulement se révélaient insuffisants à mon bien-être, mais avaient même tendance à provoquer une certaine remise en cause de mon appréhension des choses...

 

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