[ Camille ][ Quelle histoire ! ][ La suite, la suite ! ][ Partage ][ Vivre c'est agir ][ Transamie ][ Trans de citron ][ Complices ][ Livre d'or ][ Contact ]
 
 
   
   
   
   
   
   
   

Ce texte a été écrit en février 2004. Toute à l'euphorie de ces premiers instants de féminité revendiquée, j'écrivais ces lignes avec une certaine exaltation. Je m'aperçois à présent (novembre 2005) que mon inconscient me masquait alors encore bien des choses, qui allaient se révéler dans la douleur.

A l'époque, j'évitais soigneusement les sites qui traitaient de transsexualisme : non, ça ne me concernait pas, voyons ! Je crois bien qu'il y avait même un léger mépris à l'adresse de ces êtres que je n'étais pas loin de considérer comme des malades mentaux, ou des erreurs de la nature. Mais déjà je ressentais, à l'aube de cette nouvelle vie, le pressentiment d'un gouffre qui s'ouvrait sous mes pieds et  m'aspirerait inexorablement.

Un des intérêts de formaliser mon histoire sur ce site, c'est justement de marquer des jalons qui sont le reflet de l'évolution de ma pensée. C'est pourquoi je retranscris quasiment à la lettre ce premier jet d'émotion de l'époque : 

 

 

Je suis venue au monde début décembre 2003.

Au monde transgenre (j'utiliserai ce terme générique, dont la définition donne lieu à des querelles sans fin, pour désigner dans toute sa diversité et sa mouvance la communauté des personnes concernées par une problématique liée à l'identité sexuée, du travesti occasionnel à la transsexuelle opérée).

Est-ce à dire que j'ignorais ma personnalité féminine jusqu'alors ?

Non pas. Mais aussi incongru que cela puisse paraître, je ne soupçonnais même pas, en plein 21è siècle, l'existence de ce monde qui est le mien.

Bien sûr, je connaissais le mot travesti, qui pour moi s'appliquait à quelques foldingues en mal de provocation ou d'aventure sexuelle ; le mot transsexuel, qui désignait de pauvres hères condamnés à des souffrances éternellement solitaires entre deux sexes jamais atteints. Mais qu'avais-je à voir avec ces gens, n'est-ce pas ?

Moi pourtant anormal, coupable et honteux, mais moi unique.

Il a fallu, à 47 ans, les hasards d'une errance sur internet pour que ma vie bascule. Ma vie unique, mon joyau morbide, mon exception particulière, tu parles !

Mon histoire est d'une effrayante banalité !!!

Mes nouvelles amies la connaissent toutes, elles l'ont vécue, à quelques virgules près. Ce sont d'ailleurs ces virgules qui nous différencient et nous enrichissent toutes de ces minuscules différences, et nous dressent parfois les unes contre les autres, au nom de nos sensibilités exacerbées.

Je me livre dans ces lignes, non dans un esprit d'étalage impudique de mon intimité, mais avec la conviction que ce témoignage peut être une source d'espoir. Pareille à celles où je bus, avec le sentiment de renaître, les histoires de quelques-unes de mes sours. J'y ai puisé la souffrance, la joie et le réconfort, le lien universel qui nous transcende, car au plus profond de l'isolement j'ai découvert que la même mystérieuse force nous meut dans la même direction.

Petite précision : depuis ma  nouvelle naissance, j'utilise le féminin à mon sujet, en conformité avec les usages de notre monde, et puis bien sûr parce que cela me plaît infiniment. Mais pas dans ce qui suit, car cela risquerait de tronquer ce récit vécu dans une identité masculine.

 

Aussi loin que remontent mes souvenirs d'enfance je suis habité par ça.

J'ai eu beau le repousser, chercher à l'évacuer, tenter de le sublimer parfois, ça revenait forcément un jour ou l'autre, une semaine, un mois ou deux de répit, guère plus. Mon malheur est de l'avoir vécu comme une malédiction, non comme un cadeau - embarrassant ! - de la nature.

Les plus lointains souvenirs, dans mon lit d'enfant, le rêve - parfois éveillé, parfois endormi ? - toujours sur le même thème : demain au réveil mes vêtements auront été échangés avec des habits de fille, que je serai obligé de porter pour aller en classe. Ce n'est pas lié à un ordre maternel ou paternel (au contraire, elle est absente du rêve et lui absent tout court), c'est un fait. Il y a obligation sans ordonnateur, il y a honte d'être vu ainsi vêtu, et il y a bonheur, jouissance, exaltation. Ce rêve, avec ses variations, est une constante qui m'accompagnera toute ma vie.

Le premier passage à l'acte, 4 ou 5 ans, je ne sais plus, très jeune en tous cas (d'après mes souvenirs de disposition de ma chambre) : en farfouillant dans un placard, au fond du couloir de l'appartement, je suis tombé sur un jupon à volants, que j'ai enfilé pour jouir en me frottant sur mon traversin. Ce jupon est devenu le compagnon de cette période. Subtilisé de ce fond de placard, il a intégré l'étagère haute de mon cabinet de toilette. Tremblements à l'idée qu'on le découvre, délicieux vertige du risque ; cela aussi est devenu une constante, cacher mes "chiffons", terreur de me voir démasquer.

 

Au cours de ces années d'enfance puis d'adolescence, peu de conscience ou désir d'être fille, de changer de sexe.

(Note de novembre 2005 : amusant de constater comment j'ai pu occulter à l'époque de la rédaction de ce texte deux épisodes-clés qui contredisent formellement cette affirmation. Le premier concerne une distribution des prix en CE1, où j'ai joué avec bonheur et angoisse, mes parents étant dans l'assistance, le rôle d'une princesse médiévale enfermée dans une tour, avec longue robe confectionnée par la maîtresse à partir d'une chemise de nuit, hennin et grand foulard agité en direction du prince charmant. O culture du non-dit : à ma grande surprise, mes parents n'ont pas prononcé un mot sur le sujet à l'issue de ma prestation, comme s'ils ne m'avaient simplement pas vue !

Le second date des louveteaux, à l'âge de 11 ans. Lors d'une veillée rassemblant plusieurs groupes d'enfants, nous avions mis au point avec quelques camarades une mise en scène de la chanson de Cloclo, "Belinda", dans laquelle je jouais une des "Claudettes". Les copains avaient été soufflés et vaguement écoeurés par le soin avec lequel j'avais préparé mon déguisement, auquel j'avais intégré une poitrine confectionnée avec de la ficelle et des balles de tennis. Dans les deux cas, mon rôle féminin était cautionné par l'autorité, ce qui me donnait le courage et l'exaltation de l'assumer publiquement : je m'identifiais totalement à mes personnages, auxquels j'ai rêvé durant des semaines, avant et après la représentation)

Mais un besoin de plus en plus fréquent de porter telle ou telle pièce de vêtement féminin, avec le secret désir d'être obligé de me présenter ainsi au regard des autres. Désir inacceptable, terrifiant, honteux à l'extrême. Curieusement, ma mère était en dehors de tout cela : je n'ai jamais éprouvé d'attirance pour des vêtements identifiés comme siens, et la peur qu'elle ne découvre les miens n'était assortie d'aucun plaisir !

Que s'est-il passé, docteur ? Une mère dévoreuse, un père terrifiant mais lointain, un arrachement prématuré à la castratrice (à l'âge de 3 ans, un pédiatre bien intentionné m'a envoyé 6 mois dans une  espèce de camp de concentration pour consommer la rupture ombilicale), tout cela et sans doute bien d'autres choses que je ne connaîtrai jamais, à la limite qu'importe ?

 

Autre constante, la nécessité (l'instinct de survie sociale, sans doute) d'offrir aux yeux des autres une apparence la plus normale possible, et même insignifiante. A 47 ans, je fonctionne toujours de la même manière, pantalons chemises et pulls passe partout. Surtout rien qui puisse attirer le regard, ou alors une gêne incommensurable m'envahit. J'ai eu la malheureuse idée il y a deux ans d'acheter des chaussures en solde, tout ce qu'il y a de plus masculines, mais rouges : un calvaire à chaque fois que je les arborais !

Lié au même phénomène, et à mi-chemin entre l'interdit rêvé et la grisaille que je me construisais pour le quotidien, la sensation d'enveloppement et le boutonnage : vers l'âge de 10 ans, j'ai pris conscience de mon incapacité à assumer par exemple un imperméable fermé et ceinture bouclée, ou tout autre vêtement qui se boutonne, enveloppe, serre. Si j'y accédais, je retrouvais la sensation délicieusement honteuse. je ne pouvais donc apparaître ainsi que loin de tout visage connu. Comment n'ai-je pas attrapé plus d'angines et de rhumes, en allant en classe des années durant imper grand ouvert quel que soit le temps ? ! Imaginez ce que fut ma vie d'enfant et d'adolescent, avec la honte et la culpabilité chevillées en moi, présentes à chaque instant, chaque déplacement, chaque récréation. Né dans un milieu bourgeois, catholique et bien pensant, j'ai appris très jeune à me sentir coupable de tout. Et le collège de jésuites où l'on m'a envoyé à 10 ans a radicalement enfoncé le clou : j'ai vécu la peur au ventre, la honte à l'esprit, mais une secrète révolte dans tout mon être.

 

 14 ans, mon premier achat. Paris, Prisunic Champs Elysées : mon coeur bat à tout rompre, je tourne dans les rayons. Bien entendu les collants m'attirent au premier chef, mais ce serait me trahir trop ouvertement. Mon premier fétiche tout à moi, je le revois et j'en frémis encore, est un bonnet féminin en laine crochetée rouge, de ceux qui s'attachaient par une patte sous le menton. Qui peut comprendre l'intensité de l'émotion que représente cet achat ??? Et le courage, la folie, qui consistera, des mois durant, à l'enfiler, juché sur mon vélo en allant au collège, l'arborant une partie du trajet pas trop risquée avant de le camoufler dans la doublure de mon imperméable, dans l'angoisse permanente qu'on le découvre suspendu au vestiaire. Longtemps ce bonnet fut mon compagnon préféré et maudit, car le sentiment d'être anormal grandissait avec moi, et au plaisir succédaient bien sûr la honte et les questions sans réponse. Seul.

Jusqu'à sa mise en pièces et la poubelle. Liberté retrouvée dérisoire car bientôt il fallut acheter un collant, puis une robe, grâce à l'anonymat des supermarchés qui commençaient juste à apparaître à l'époque. Même destination finale. Et l'infernal cycle se reproduira durant des décennies !

 

Y avait-il anguille sous roche, je n'en suis pas sûr et qu'importe, toujours est-il que ma mère amènera de l'eau à mon moulin à deux reprises au cours de cette adolescence perturbée, en m'achetant un pantalon en simili cuir (argument : facile à entretenir !) et un an ou deux plus tard un ciré long verni noir (pratique pour aller en classe à vélo !). L'un et l'autre feront ma joie et ma honte au quotidien, validés par la prescription maternelle, le ciré grand ouvert par tous les temps naturellement, sauf incognito où boutonnage et ceinturage me transportaient d'allégresse.

Deux années de suite, on m'envoya pour des séjours linguistiques (à 15 et 16 ans) à l'étranger dans des familles d'accueil. J'y vécus des expériences tellement insignifiantes, mais si marquantes. En Angleterre d'abord, où la dame de la maison avait laissé dans l'armoire de la chambre qui m'était destinée une robe en laine bleu ciel et un collant, que je dus user prématurément, les portant chaque soir et chaque nuit : 30 ans plus tard, je porte régulièrement une robe du même genre en tenue d'intérieur. En Allemagne ensuite : exposée dans le salon de la famille qui m'accueillait, une photo du fils arborant une veste de laine boutonnée jusqu'au ras du cou m'obséda, au point de demander à mes hôtes d'un ton faussement naturel où il était possible d'acheter ce genre de vêtement fort élégant mais introuvable en France. Au bout de longues et infructueuses recherches, on me fit cadeau du vêtement du fils qu'il ne portait plus m'assura-t-on. Je le ramenai comme un trophée en France et eus même la force de le porter régulièrement, déboutonné en public bien entendu ! Autre épisode, la piscine municipale à laquelle nous projetions d'aller avec le garçon en question. Mais en Allemagne le bonnet de bain était obligatoire, et je passai plusieurs jours à fantasmer sur le bonnet que je serais obligé de porter en public. Jusqu'au moment du passage à l'acte, où l'on me présenta un modèle "garçon" ne prenant que le haut de la tête, qui à mes yeux n'offrait plus que le côté ridicule, sans le moindre attrait sensuel. Sauvé par le gong, en l'occurrence une mienne cousine de passage, dans la voiture de qui je me ruai littéralement ; j'échappai ainsi in extremis à une exhibition insoutenable !

De cette période adolescente je retiens tout de même globalement autant de plaisir que de difficultés à vivre mes fantasmes. Je m'étais même inventé une justification de mes penchants à mes propres yeux : c'est parce que je ne connais pas encore de femme, pensais-je parfois, que je m'en fabrique une avec moi-même. Les choses se sont corsées bientôt, à 17 ans, avec l'achat par correspondance à une boutique d'articles de fête de collant et justaucorps de danse, ballerines, perruque et fards. Un chaîne et un cadenas complétèrent bientôt mon équipement, et dans ma solitude écoeurée je passais des journées entières travesti et attaché, et sanglotant bien souvent des heures durant de honte, de désespoir, et d'incompréhension de ce qui m'arrivait.

C'est vers cette époque là, puberté décidément bien tardive, que je vis au cours d'un film d'espionnage lambda une scène muette et bien soft en caméra cachée par laquelle le méchant voulait faire collaborer le héros, et qui montrait la fille de vingt ans de ce dernier recevant une amie, la déshabillant avec des échanges de caresses et couchant avec elle. Jamais je n'avais ressenti un tel choc, ce fut comme une révélation de ce que je voulais être, moi qui ne soupçonnais même pas que l'homosexualité féminine existait !

Pour la première fois je voulus vraiment être fille, ou à défaut le devenir. Et assez vite j'appris ce qu'était la transsexualité.

 

Mais ce fut aussi la période des premières amours vécues avec une certaine intensité dramatique et qui achevèrent de me dérouter tout à fait. Au moins je trouvai le courage enfin de parler de mes problèmes, d'abord orienté vers un prêtre par un "grand frère" scout à qui j'avais écrit dans une période d'égarement vouloir être sa femme !!! Puis à mes amies successives. Celle qui devint plus tard mon épouse accepta de m'acheter mon premier porte-jarretelle, censé me « guérir » définitivement. Mais hélas notre relation sexuelle fut vite un échec, et nous avons vécu 17 années côte à côte sans trouver d'épanouissement autre que la fierté de vivre en marge d'une société que nous ne comprenions pas et où nous nous sentions étrangers.

 

J'ai entrepris de me construire laborieusement une personnalité d'homme, dans un cadre de pleine nature, mais dans des conditions de vie extrêmes : une ancienne ferme en ruine, isolée à 1000 m d'altitude, à 16 km du premier village, sans électricité ni chauffage. et sans un sou. Petit à petit s'est élaborée une histoire de pionniers, avec un élevage de chevaux de montagne et l'organisation de randonnées. J'ai appris à bâtir, à tout faire de mes mains, en pleurant d'impuissance lorsque, trop souvent, j'étais confronté à mes limites bien vite atteintes ; je me suis frotté aux techniques de survie, au froid, à la neige, à l'âpreté de cette vie sans concessions. Mais rien n'y a fait, ça revenait régulièrement, et les salons touristiques en ville pour promouvoir notre activité étaient chaque fois l'occasion d'errances et d'achats, la peur au ventre, la honte à l'esprit. Progressivement, les fantasmes s'orientaient vers la traditionnelle maîtresse m'obligeant à m'habiller en fille, et les accessoires ad hoc : cuissardes, guêpière et jupe en cuir, etc.

Petit intermède cocasse avec une liaison féminine dans notre île déserte montagnarde. Au point où nous en étions de la rupture avec les usages en vigueur, nous avons tenté l'expérience et la rapide déroute du ménage à trois. Mais cette partenaire avait pris au sérieux mon histoire, et entrepris de jouer le jeu avec moi, me baptisant d'un prénom féminin et m'encourageant à me travestir. Au cour de ma période "homme des bois", mon image de barbu hirsute en jupe m'écoeura au plus haut point et la liaison fut écourtée d'autant !

 

Au bout de dix années, changement de lieu de vie, suivi de bouleversements affectifs. Je suis tombé amoureux d'une fille dont les tenues, souvent à base de collants sous un mini short, me rendaient fou. Jamais je ne me suis senti autant homme, la désirant éperdument. Elle m'en  fit voir de toutes les couleurs, se dérobant quand je croyais l'atteindre, me provoquant quand je pensais renoncer enfin. Ce n'est qu'aujourd'hui que je comprends (encore a-t-il fallu qu'on me le souffle à l'oreille !) que je ne risquais pas de l'atteindre, quand seules ses tenues m'émouvaient réellement ! Laminé au bout de deux ans d'enfer, j'ai saisi la main que me tendait celle qui partage ma vie depuis 10 ans avec le sentiment qu'elle était ma dernière planche de salut.

Sans pour autant m'encourager, ma compagne a respecté d'emblée ma problématique liée au vêtement féminin. Ensemble nous avons repris la marche en avant et moi mes outils d'homme, transformant, embellissant, agrandissant notre maison d'accueil où chambres d'hôtes et gîtes assurent notre quotidien, dans un cadre fabuleux et totalement préservé. Mais le "ça" n'était jamais bien loin, et les périodes de déprime succèdaient inexorablement aux périodes de suractivité, de celles qui empêchent de penser à ce qui ne va pas en nous.

 

Jusqu'à ce jour de novembre, où en errant sur mon clavier à la recherche d'une illusoire et virtuelle maîtresse de pacotille, je tombai sur une enseigne proposant des séances de féminisation. Mon sang ne fit qu'un tour, et ce n'est donc qu'à 47 ans bien sonnés que j'eus soudain l'idée et la mauvaise conscience de taper t.r.a.v.e.s.t.i sur mon clavier, et tel un ovni débarquant de plouc-planète j'atterris sur "le petit nuage de S." (site d'une transgenre), à qui je ne dirai jamais assez ma reconnaissance d'avoir ainsi témoigné de son histoire. Je me vis dans sa photo, je me reconnus dans ses souffrances et ses questions, je me mis à espérer dans ses espoirs, à rire dans ses joies, à m'inquiéter dans sa quête de féminité, dont elle se demandait jusqu'où elle l'entraînerait.

D'un lien à l'autre, je découvris un monde, le monde, mon monde. Eberluée, ravie, bouleversée. Je décidai immédiatement d'en être, de soulever le couvercle de ma marmite aux bouillonnements incessants et putrides, de me laisser envahir par ce torrent de féminité qui ne demandait qu'à m'emplir : O ma soeur, mon amie, qui que tu sois, quels que soient ton parcours et ton errance je t'aime car je me retrouve en toi !

 

J'ai choisi de me nommer Camille, ce prénom équivoque à la consonance si féminine. Comment nier mes années d'homme ? Elles m'ont marqué si profondément. Je suis homme, je suis femme, un peu des deux assurément. Où me mènera le chemin, à présent que j'accepte de tout mon être ma féminité, je ne sais. A mon tour je connais le petit nuage, les grandes joies découvertes chaque jour, l'incertitude de demain. Je veux vivre, enfin, alors que pendant si longtemps j'ai eu si peu de goût pour la vie !

Premières sorties : début janvier, un soir en ville avec mon épouse, qui avait accepté de m'accompagner pour cette grande occasion. Bien entendu je crus défaillir à mes premiers pas, persuadée que chacun des passants croisés me démasquait au premier coup d'oeil. Totale déconfiture dans ce minuscule restaurant où tournant le dos aux quelques convives je courbais l'échine sous le fardeau d'une muette et supposée réprobation, subissant la transparence au yeux de l'insupportable serveur qui, lui, s'affichait ostensiblement homosexuel et ne s'adressait ouvertement qu'à mon épouse, tandis que muette et rouge de honte je déglutissais péniblement son infâme cuisine !! Mais fort heureusement magie du retour, où enfin détendue je savourais le claquement rythmé de nos bottines à talon sur l'asphalte, l'impassibilité des passants que nous croisions, la folle sensation de liberté et de légèreté qui m'enivrait dans la nuit, et jusqu'à mon image de femme (?) captée dans les vitrines éteintes.

 

Huit jours plus tard, je prenais hardiment le volant de ma voiture, habillée de neuf, pour parcourir 350 km à la rencontre de la première soeur prête à m'accueillir, avec qui de longs échanges de mails m'avaient donné confiance : un des plus beaux jours de ma vie !

Et une semaine plus tard je traverse seule et en plein jour la place centrale de Montpellier, je me fais aborder à grands coups de "Madame, s'il vous plaît" par des sondeurs d'opinion, et  je réalise mes premières emplettes féminines au milieu des vraies femmes, que je dépasse d'une tête mais c'est pour mieux voir les soldes, ma soeur ! Qui eut cru cela possible il y a deux mois ?

Tout n'est pas rose, je m'attends à des retours de manivelle, notre vie de couple exige patience et attention de chaque instant pour que l'amorce de bonheur ne débouche pas sur le doute et le drame.

Février 2004

 

Lire la suite

 

 

 

      [ Quelle histoire ! ]
 
Copyright © Camille B. - Site créé avec ThunderSite