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Ce matin-là, je sortais rouge  et boursouflée d'une séance d'épilation chez mon dermatologue préféré. Il faisait beau, mais comme souvent dans la région le vent soufflait assez fort, une tramontane printanière qui tempérait l'ardeur du soleil. Les cheveux en bataille (fichu complément capillaire, les cheveux asiatiques qui le composent sont plus raides et plus secs que les nôtres, si bien que lorsque le vent les bouscule ils restent dressés dans des postures peu naturelles, obligeant à passer régulièrement la main sur la tête pour aplanir l'objet), le nez dans mon foulard pour dissimuler un peu mes rougeurs, je rasais les murs en espérant ne  rencontrer personne jusqu'à ma voiture, quand, tournant le coin de l'avenue,  je tombai nez à nez avec  une dame d'une cinquantaine d'années, plutôt élégante et les bras encombrés  de  plusieurs paquets cadeaux et d'un gros bouquet de fleurs. La  voyant ainsi chargée de choses heureuses,  je ne pus m'empêcher de lui faire un grand sourire, tout en m'écartant pour ne point la heurter. A peine l'avais-je dépassée que je l'entendis me héler : S'il vous plaît, Madame !

Me retournant, le sourire toujours en place, je tâchai d'ajuster ma voix  :

-         Oui ?

-         Excusez-moi de vous importuner,  Madame, débita-t-elle d'un trait, mais c'est aujourd'hui l'anniversaire de ma fille,  qui habite cet immeuble, et je voudrais lui faire une surprise. Auriez-vous la gentillesse de  sonner  pour moi, et de lui annoncer par l'interphone que vous avez une livraison pour elle, elle vous ouvrira et sera surprise de me voir moi. C'est  Mlle  X, appartement 502.

-         Mais avec plaisir, Madame, répondis-je tout en appuyant sur le bouton 502. Elle se tut, me faisant juste signe que c'était bien la voix de sa fille qui nous parvenait par le haut-parleur nasillard, et tout en annonçant ma qualité de livreuse je me demandais bien quel effet pouvait avoir la mienne, de voix, peu assurée, dans l'interphone du cinquième étage. Elle dut être suffisamment convaincante toutefois, car le bourdonnement d'ouverture de la porte se fit entendre.

La mère, ravie de son petit tour, me remercia avec effusion et s'engouffra dans l'entrée, tandis que le sourire toujours aux lèvres je restais songeuse : et si cette dame, me disais-je, avait su qui j'étais réellement, qu'aurait été son attitude ? Elle m'aurait vraisemblablement ignorée ou toisée d'un air dédaigneux. Ce sourire à elle adressé, plus que mes vêtements ou mon allure générale, a inauguré un échange banal mais tellement confortant pour moi ! Décidément, ce sourire conquis de haute lutte contre ma résignation et ma désespérance est mon plus précieux bagage dans la vie…

 

 

 

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